Un débat sur la self-défense contre couteau a été récemment lancé par Greg Gothelf sur son site et sur Facebook. Greggot est connu sur internet notamment grâce à sa très bonne chaîne YouTube sur les arts martiaux et sports de combat. Il travaille depuis des années pour faire évoluer et progresser les pratiques martiales en France. Je considère qu’il apporte beaucoup, notamment avec ses tutoriels de boxe et boxe pieds-poings.
Étonnement, il vient de publier une vidéo expliquant que l’apprentissage de la self-défense contre des menaces ou attaques au couteau est inutile. Voici le lien vers sa vidéo postée sur Facebook. Regardez-la avant de lire la suite.
La diversité des points de vue enrichit le débat. Plusieurs hauts gradés de la FEKM, Fédération Européenne de Krav Maga, ont essayé d’aider Greggot à mieux comprendre les enjeux de l’apprentissage de la self-défense contre couteau. Vous pouvez lire leurs commentaires pertinents sur Facebook. J’essaie d’apporter ici ma pierre à l’édifice.
Préambule :
Rappelons en priorité les fondamentaux de la self-défense contre couteau. Je pense que nous serons tous d’accord à ce sujet. Il est évident que la situation idéale par rapport à un couteau est de ne pas en croiser un ;).
- Donc s’il est possible de prévenir les risques et ne pas se rendre dans une zone risquée, ou s’il est possible de partir avant qu’une situation ne dégénère, notamment dès les prémices d’une embrouille, il faut le faire. C’est une victoire en soit.
- Ensuite, la fuite est la solution à privilégier lorsqu’elle est possible. Il n’est jamais trop tard pour fuir.
- Si la fuite est impossible et qu’on est menacé, alors on donne l’objet demandé par l’agresseur. Attaquer à mains nues un individu armé d’un couteau est suicidaire. Dans cette étape vous communiquez avec votre agresseur. Il n’est jamais trop tard pour négocier.
- Il est également possible de ne pas voir arriver un agresseur qui veut nous tuer. Dans ce cas de figure, pas de miracle, qu’il arrive par devant, derrière, ou de côté, si on n’a pas senti le danger et pas repéré l’individu dangereux, on est mort.
- Il nous reste donc le cas d’un individu agressif repéré, qui veut nous tuer et qui va attaquer, et le cas d’une menace qui tourne mal, malgré le fait d’avoir donné l’objet convoité. A chacun de nous de décider si ces cas de figures représentent une probabilité suffisamment grande afin de valoir un investissement important en temps pour l’apprentissage de techniques.
Pour plus d’informations, Adrenalib propose à ses abonnés un cours de sensibilisation aux menaces et attaques au couteau enseigné par Robert Paturel, dans le cadre de l’apprentissage de la Boxe de Rue. Comprendre les risques et dangers est déjà un premier pas vers la survie.
Rentrons maintenant dans le vif du sujet.
Si vous avez ne serait-ce que 5% de chances de survie face à un couteau, est-ce que ça ne vaut pas le coup de s’entraîner quand même pour s’en sortir ?
Nous pourrions nous faire la même réflexion sur du combat sans armes. A niveau technique égal, un poids léger (ex: 65kg) a très peu de chances de réussir à se défendre face à un poids lourd (ex: 90kg). Le poids lourd a naturellement plus de force physique. Il frappe plus fort, peut mettre KO en un coup le poids léger, et pourra contrôler facilement le corps de son adversaire, voire lui éclater de force la tête contre un mur.
L’objectif des arts martiaux, sports de combat, et self-défense est justement de permettre aux pratiquants de devenir plus fort que ce qu’ils sont, physiquement, mentalement, et techniquement. L’amélioration de son niveau technique permettra à un poids léger, en suivant un entraînement régulier, de pouvoir se défendre face à un poids lourd qui n’aurait pas suivi cet entraînement. (Si le poids lourd s’entraîne aussi, le poids léger va galérer, c’est par exemple la raison de l’existence des catégories de poids en compétition, mais ça c’est un autre débat).
En appliquant au combat sans armes le mode de réflexion énoncé dans la vidéo, un poids léger n’aurait aucun intérêt à pratiquer des sports de combat, puisque dans tous les cas le poids lourd aura toujours plus de force physique et peut toujours le tuer à mains nues. Je considère que c’est un raisonnement erroné.
Refuser d’apprendre et de progresser sous prétexte que c’est difficile est un nivellement par le bas. Favorisons un nivellement par le haut. Je pense au contraire que le poids léger doit s’entraîner, apprendre les techniques, et faire du sparring avec des adversaires divers, y compris plus lourds. La route sera plus longue pour le poids léger, qui part de plus loin à cause de son physique naturellement moins fort. Il devra par conséquent optimiser son physique, mais surtout être sensiblement meilleur sur les autres aspects que le physique, en particulier le mental et la technique. Est-ce qu’un poids léger entraîné peut se défendre face à un agresseur poids lourd moins entraîné ? A priori oui. Un boxeur thai poids léger peut mettre un agresseur lambda KO, même si celui-ci fait 90kg.
Revenons aux agressions et à la self-défense contre couteau.
Comme énoncé dans la vidéo et ci-dessus, il faut toujours éviter le combat contre un couteau (Greggot a raison, on donne ses affaires si on est menacé) et dire le contraire serait irresponsable. Mais qu’en est-il en cas de danger plus grave (viol, torture, agression gratuite) ? Tout comme il est difficile pour un poids léger de se défendre contre un poids lourd, il est évidemment très difficile en étant non armé de se défendre face à un couteau. Doit-on obligatoirement capituler d’avance ? Dans ce cas, les agresseurs n’ont qu’à se munir d’un couteau et violer tout le monde, c’est open bar… La police et la justice feront leur travail après, c’est évident, mais au moment de l’agression, comment faire ? Certes ces agressions restent rares, du moins en France, mais elles peuvent arriver. De même, elles peuvent arriver peut être plus fréquemment à l’étranger dans des pays moins développés. Et accessoirement, là bas, la police, la justice et les hôpitaux ne feront peut être pas leur travail aussi bien que chez nous.
Plutôt que de ne pas apprendre à se défendre contre des attaques au couteau, et donc de faire le choix de mourir dans ces situations, puisque c’est intrinsèquement la signification du message vidéo qui stipule qu’aucune technique ne fonctionne, il convient de réduire les risques lors d’une telle agression pour essayer de s’en sortir. Est-ce facile ? Non. Va-t-on finir en sang à l’hôpital ? Très probablement. A la morgue ? Possible. Mais si on ne fait rien, alors on s’assure de la morgue. Autant tenter quelque chose non ?
Dans ce cas, autant que ce “quelque chose” soit le meilleur “quelque chose” possible. En effet, plutôt que de tenter “quelque chose” au hasard, autant appliquer des techniques conçues pour optimiser les chances de survie face à un couteau, même si ces dernières restent minces. Si vous avez le choix entre appliquer une technique de self-défense contre couteau qui vous donne 5 ou 10% de chances de survie et appliquer “quelque chose” au hasard qui vous assure la mort, alors à priori vous allez tenter la technique. On en revient à notre poids léger qui décide de s’entraîner pour se donner la possibilité de se défendre face à un poids lourd, ce qui n’est pas gagné d’avance. Il faut se donner la possibilité de se défendre face à un couteau, même si ce n’est clairement pas gagné d’avance.
Ainsi, dans le cas des agressions avec armes, il est utile de pratiquer une discipline apprenant la self-défense contre couteau pour apprendre des techniques et se mettre en situation réaliste. Il existe de nombreuses disciplines comme la boxe de rue, défense de rue, krav maga, ACDS, SMA, silat, kali… À chacun de trouver sa voie. L’idée ici étant de s’entraîner, d’améliorer ses techniques de défense et de combat, d’améliorer son temps de réaction, ses automatismes, son coup d’oeil, et de se préparer en situation réaliste, c’est-à-dire une fois les techniques dites “académiques” maîtrisées, se mettre sous stress, se défendre face à des attaques surprises, vicieuses, rapides et répétées… Evidemment, les chances de survie face à un couteau restent minces et dans tous les cas les blessures seront importantes, mais survivre est la priorité.
L’apprentissage des techniques de combat à mains nues un contre un est déjà un chemin sans fin ; l’apprentissage des techniques de self-défense contre couteau et armes diverses l’est également. Il faudra de nombreuses années de pratique afin de commencer à avoir des chances de survie face à un couteau. En gardant cela à l’esprit, et puisque la probabilité d’agression au couteau en France dans la plupart des villes reste faible, certains préfèreront ne pas pratiquer la self-défense contre les armes. Ils alloueront leur temps au développement de leurs compétences de combat un contre un sans armes. Ceci est un choix personnel respectable, et il n’y a pas de jugement à faire sur les choix des individus. Chacun d’entre nous doit prendre sa décision et définir la pratique martiale qui lui convient, en fonction de ses envies (ex: pratique artistique, compétition sportive, défense personnelle…), de sa situation personnelle (ex: lieu de vie, voyages dans des pays à risque, métier à risque…), de sa vision de la société (ex: climat social dégradé avec augmentation des émeutes urbaines, insécurité, terrorisme…), et également de sa philosophie de vie (l’Homme doit-il choisir ou subir, être cigale en espérant l’aide des autres ou fourmi en devenant autonome…).
Les derniers points sont d’ordres philosophiques et politiques. Je considère qu’il appartient à chaque individu de se poser ces questions et choisir. Il n’y a probablement pas de vérité absolue, mais plutôt une vérité relative, propre à chaque individu et à son histoire.
Et vous, que pensez-vous de l’apprentissage de la self-défense contre couteau ? Pensez-vous que la self-défense contre couteau peut vous aider à survivre en cas d’agression ? Ou pensez-vous que vos chances de survie sont exactement les mêmes si vous ne pratiquez rien ?
Sportivement.